mercredi 6 novembre 2013

Baci

Aujourd'hui nous allons vous parler d'un baci. Non ? Bah si. Ça sera court, je ne vais pas vous bassiner avec ça.
Ça consiste à nouer ou à se faire nouer des bracelets en fil autour du poignet, comme tout bracelet qui se respecte. La personne qui noue le bracelet vous souhaite des bonnes choses, pour que les esprits soient avec vous : une bonne santé, une bonne chance, un bon voyage aussi dans notre cas.


Avant tout, il faut faire des guilis sur le poignet de la personne à bassiner, après on peut nouer. Le noué doit mettre la paume de la main vers le haut et se servir de l'autre pour prier. A la fin, un petit salut en joignant les mains. Les explications de Guy pour rectifier tout ça seront dans les commentaires. Les enfants ont reçu pas mal de bracelets, ça les amuse beaucoup.


Ce baci, c'était à l'occasion du Boun Ok Phansa, la fin du carême bouddhiste. On était alors à Tad Lo sur le plateau des Bolovens. A Paksé, il aurait du y avoir la course des pirogues mais ça a été annulé suite au crash du Vientiane - Paksé dans le Mékong.
On s'est levé tard et on a manqué la première cérémonie. On arrive au Vat du village lesté par des crêpes à la banane et au Nutella.

Le kouti


Tout le monde est sur son trente-et-un.

Les prières se terminent, les gens sortent leur panier repas et nous invitent à manger avec eux, enfin elles. On essaye de faire honneur même si on est déjà plein. Dans ces cas là, on peut s'en sortir en disant "im léo", c'est-à-dire "j'ai les dents du fond qui baignent" version polie. Voilà en tous cas des gens très liants (tambour + cymbales).

Les bracelets sont en place, la prière peut commencer.


Je (Paul) suis entraîné du côté des hommes, sur l'estrade à côté des bonzes (le chef et 3 novices). On me donne des bracelets à la fin de la prière pour les mettre aux bonzes (une fois fait, on peut ficeler d'autres gens, en général consentants. Je noue les bonzes avec un traducteur parce que si je sais traduire bonne chance (sokdi), je sais pas dire bonne santé, et c'est important la santé. Le chef des bonzes est un peu étonné mais se laisse faire. Du coup je lui fais un triple nœud ainsi qu'au bonzillons.


Il est 10h30 du matin, on m'offre une bière. Je la bois un peu vite parce que le verre va être ensuite rempli à nouveau pour être proposé à quelqu'un d'autre. Du coup, on m'offre un verre de lao lao (avec larves d'abeille au fond de la bouteille). C'est un peu fort mais pas tant que ça en fin de compte. C'est juste trop tôt et je décide de rejoindre les femmes avant qu'on propose un second. Tout le monde se fait ficeler.


Le moment "bondage" des festivités se poursuit dans la bonne humeur, un bel exemple de lien social.




C'est le moment de fumer un truc qui renverrait la gitane maïs au rang de la glace à l'eau.


Les enfants récupèrent les fleurs de la cérémonie. Pour en faire de la compote sans doute.


On repart satisfaits. Voilà en effet une matinée rudement bien ficelée.

4 commentaires:

  1. Le baci -encore appelé Soukhouan, invitation ou recherche des âmes- est LA cérémonie par essence lao. En effet, aucun autre pays voisin, Cambodge, Birmanie, Thaïlande (à l'exception de la région Isarn ou Nord-Est qui est peuplé majoritairement de gens d'origine lao), ne pratique ce rite.

    Dans les croyances lao, on trouve l'idée selon laquelle chaque personne est habitée par des âmes (Khouan) qui structurent l'être. Mais ces âmes, par nature instables, quittent le corps et, en s'éloignant, le privent de ses défenses spirituelles, laissant celui-ci à la merci du moindre danger.

    Aussi, importe-t-il de les rassembler de temps à autre, notamment lors d'événements importants de la vie : mariage, naissance, départ pour un voyage ou retour, guérison, etc. Ce jour-là c'était à l'occasion de la sortie du carême (Ok Phansa). Le rite s'adresse à toute personne quel que soit l'âge ou la condition, aux membres de la famille, aux amis ou à un hôte étranger. L'objet de la cérémonie est d'inviter les âmes à revenir en nous, afin d'aider à mieux affronter l'adversité. La cérémonie obéit à un rituel immuable.

    Les invités sont assis par terre sur des nattes, derrière la personne honorée (par exemple et par hasard Paul) et face à un plateau (Pha Khouan) sur lequel ont été confectionnés des cônes de feuilles de bananier tressées en forme de stupa fleuris et des cierges, ainsi que des offrandes (œufs) boulettes de Khao Niao (riz), fruits, gâteaux, etc. Accrochés à des bâtonnets, les fils de coton qui seront noués autour des poignets. Tout cela disposé en étages, toujours en nombre impair et selon l’architecture des stupas. Chacun a devant soi une coupe en argent (Khan) contenant fleurs et offrandes.

    L'officiant (Mo Phone ou Mo Khouan) chargé de dire les prières, fait face à la personne honorée, de part et d'autre du Pha Khouan. Sur la vidéo, on remarque que les moines sont assis à côté de l'officiant. Dès que les cierges sont allumés, le rite débute par une prière invoquant en Pāli, le triple joyau (Bouddhang ou Bouddha, Thammang ou Loi et Sangkhang ou Communauté). Suivent les incantations à l'adresse des âmes vagabondes. L'assistance écoute silencieusement (mais sur la vidéo, ça bavarde pas mal). On joint les mains (o aperçoit des dames équipées d'autres joints) et lorsque pour terminer, l'officiant ponctue ses appels par des "Ma Gneu" (Venez, venez), chacun appuie ces incantations en répétant "Gneu". Invocation des Pou Gneu, Gna Gneu, considérés comme les ancêtres légendaires des Laotiens (mais ça c'est une autre histoire). Les âmes sont sensées être de retour dès que l'officiant a terminé ses prières.

    Vient ensuite le moment de fixer les âmes. D'où les fils de coton ("Fay Phouk Khène" littéralement coton pour lier les poignets) que l'on va nouer pour concrétiser ce retour et éviter qu'elles ne repartent à nouveau, non sans avoir préalablement chassé le mal en balayant le poignet avec une extrémité du fil. La pose de ces liens s'accompagne de formulation de vœux de toutes sortes (santé, richesse, amour, bonheur) que le donneur forme à l'adresse de la personne qui reçoit. Tout le monde participe.

    Traditionnellement, ces fils sont en coton blanc, mais l'on peut voir sur les photos, que la mode pousse les gens à utiliser des fils colorés et tressés, ressemblant étrangement à des "Scoubidou Bidou Ahhh"... Les liens de couleur jaune sont posés par les bonzes. Le tout se termine invariablement par un délicieux repas. Éviter donc de se gaver de crêpes -surtout à la banane et au nutella- avant de venir. Une très belle cérémonie que je souhaite à chacun de vivre... Pardon pour ce long commentaire qui contraste avec la concision de celui de Paul, qui n'est cependant pas exempt de sacs de nœuds.

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    1. Merci pour ces précisons qui nous apprennent beaucoup sur cette cérémonie à laquelle j'ai assisté de nombreuses fois, mais je n'avais pas saisi la signification de tous ce qui se passait. La prochaine fois je verrai tout cela d'un autre œil.

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    2. ... Et tu le vivras plus intensément, de l'intérieur...

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